
Dans la plupart des récits ou longs métrages de science-fiction, l’humanité confrontée à un virus ou une apocalypse se barricade et, face à la menace, sombre dans la barbarie. Pensons à la série Walking Dead où l’Amérique, plongée dans le chaos d’une menace virale qui transformeles êtres humains en zombies, doit affronter non seulement ces hommes devenus des monstres, mais également leurs congénères qui luttent pour la survie et le pouvoir. Les zombies sont la métaphore de la perte « d’humanitude », cette notion forgée par le Suisse Klopfenstein en 1980 et popularisée par le philosophe et généticien français Albert Jacquard, qui désigne cette attitude propre à l’homme civilisé et les « cadeaux que les hommes se sont faits les uns aux autres depuis qu’ils ont conscience d’être, et qu’ils peuvent se faire encore en un enrichissement sans limite ».
Dans La Route, une œuvre allégorique de Cormac McCarthy, prix Pulitzer 2007, un père et son fils, avec l’amour en guise de feu et de Saint-Esprit qui les animent, cherchent à survivre à une apocalypse dont on ne sait rien, sinon qu’elle a réduit le monde en cendres. Alors ils marchent vers le Sud comme on marche vers la chaleur et l’espoir, ensemble, se soutenant, envers et contre des hommes errants ou des cannibales, l’humanité ayant perdu les valeurs qui font de nous des Hommes, des humanistes, des êtres de solidarité et de générosité.
Après la Chine, l’Europe a sombré dans ce qu’on aurait envie d’appeler une apocalypse du XXIe siècle. Le nouveau coronavirus est partout, il a envahi nos réseaux sociaux, nos médias, nos téléphones, nos discours. Il nous faisait sans doute d’abord rire ou sourire. Il était confiné en Chine. Puis les blagues ont commencé à virer au cauchemar et les consciences se sont éveillées pour donner lieu à un véritable vent de panique. Qui n’a pas tenté de faire des réserves de nourriture, d’acheter un masque ou faire le plein de paracétamol ?
Reste qu’en ces temps obscurs, l’humanité n’a pas sombré dans la barbarie, à l’image de Walking Dead ou La Route. Les hommes ne sont pas des barbares. Ce virus nous aura testés, il nous teste encore à l’heure où j’écris ces lignes et la solidarité est de mise. Les Italiens, confinés et pleurant leurs morts, entonnent des chants d’espoir et leur hymne national aux balcons. Comme un grand mouvement d’humanitude pour lutter contre le virus. La poésie sauvera-t-elle le monde ?
Pour aller plus loin :
- Albert Jacquart, Cinq milliards d’hommes dans un vaisseau, Point, 1987.
- Cormac McCarthy, La Route, Points, 2009.
- L’erreur du catastrophisme