Jamais aussi seuls que depuis que les réseaux sociaux existent

Jamais aussi seuls que depuis que les réseaux sociaux existent

 

 

 

 

 

Aimons-nous les uns les autres, disait Jean dans son Evangile. « Likons »-nous les uns les autres, reprennent en cœur Facebook et Instagram, dont la mission est de nous connecter à tout prix. Soyons tous « friends ». Partageons nos « stories », à défaut de nous intéresser à l’histoire avec un grand H. Autant d’anglicismes qui veulent nous mettre en lien les uns avec les autres et qui inquiètent les chercheurs. Jamais l’homme moderne occidental n’a été autant connecté, mais jamais il ne s’est senti aussi seul, chez luidevant son écran (ou derrière, c’est selon !)

 

En plus de la vitrine, parfois plus miroire narcissique que vitrine, d’ailleurs, que ces réseaux nous offrent, je pense aux inénarrables « selfies », cette (vilaine) manière de nous mettre toujours plus en scène, sur le petit théâtre de nos murs, d’être les stars nos propres chaînes Youtube, nous oublions trop souvent que nos amis virtuels ne le sont pas dans la réalité. Des amis qui ne nous veulent pas toujour du bien. Ils ne nous appellent pas. Ne sortent pas avec nous au cinéma. Ne viennent pas nous aider lorsque nous déménageons.

  

Pas facile de vivre dans une société de « mécontemporains » interconnectés et pourtant si seuls. Lâchons nos portables, sortons de ce monde imaginaire et ouvrons nos portes à nos amis. Les vrais. Tiens, d’ailleurs, vous faites quoi samedi soir ?

  

Pour aller plus loin 

 

Alain Finkielkraut, Charles Péguy, Le Mécontemporain : Péguy, lecteur du monde moderne, Paris, nrf, Gallimard, 1991. 

Radio canada  

Sami: la culture du narcissisme sur les réseaux sociaux

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tous des junkies de l’amour et de la mort

Tous des junkies de l’amour et de la mort

Au Moyen-Âge, les chevaliers s’ennuyaient beaucoup. La guerre, faire régner l’ordre et puis… le calme. Comment se distraire dans ces moments de solitude ? Il suffisait d’y penser. Des trouvères, poètes-chanteurs-jongleurs, ont alors imaginé des aventures chevaleresques fantastiques. Mieux encore, l’amour de la femme inaccessible s’est vite imposé comme incontournable dans les rangs des chansons. Et qui était la femme la plus inaccessible, le fantasme de tout guerrier ? La reine bien sûr. Femme fatale par excellence. Guenièvre est née de là. Tout chevalier se battait pour elle dans l’espoir de conquérir son cœur, quitte à trahir son roi.

 

Dans son œuvre majeure intitulée L’amour et l’Occident, l’écrivain suisse Denis de Rougemont raconte comment l’amour passion est amour de la destruction, amour de la mort. Aimer souffrir par amour, c’est vouloir mourir, comme dans le mythe de Tristan et Iseut qui ne peuvent vivre ni ensemble, ni séparément et finissent par y laisser leur peau.

 

L’amour de la passion est amour de l’amour, l’amour de la mort. Nous sommes, comme le chantait Michel Sardou, tous victimes de cette « maladie d’amour » en Occident. L’amour peut être destruction de l’un, de l’autre, voire des deux à la fois. Pour Denis de Rougemont, la clé se trouve dans le mariage, un amour qui dure. La clé, c’est aussi le respect et la sérénité.

 

Pour aller plus loin :

 

Denis de Rougemont, L’Amour et l’Occident, 10/18, 1957.

 

L’Amour et L’Occident sur viceversalittérature.ch

 

Interview de Denis de Rougemont

 

Même pas pareil!

Même pas pareil!

Sommes-nous tous les mêmes ? Nous sommes tous des êtres humains et appelons nos congénères nos « semblables », mais nous sommes tous différents. Même les jumeaux ne sont sont jamais identiques à 100%, bien qu’ils partagent parfois leur ADN. Henri Bergson, seul philosophe français lauréat du Prix Nobel de littérature, écrivait d’ailleurs qu’un « brin d’herbe ne ressemble pas plus à un autre brin d’herbe qu’un Raphaël à un Rembrandt ». 

 

Pourtant, nous avons besoin de cette catégorie du semblable pour nous retrouver, nous structurer, avoir des repères. Nous segmentons l’espace et le temps pour faire entrer chaque chose dans des catégories que l’on pense figées. Comme les couleurs de l’arc-en-ciel. Vous avez dit sept couleurs ? Bien sûr que non. Une infinité! Aucun bleu ne ressemble exactement à un autre bleu. Et nous n’avons que quelques mots pour désigner une infinité de bleus différents : bleu, turquoise, indigo, bleu clair, bleu foncé, bleu roi, bleu pétrole extra bleu ciel, ce camaïeu appelle combien les couleurs du ciel et de la mer sont effectivement infinies.

 

Le semblable et l’autre, deux concepts philosophiques bien complexes. Au fond, ce sont les Anglo-saxons qui apportent la meilleure réponse : les choses sont « same same but different ». Plus « différentes » que notre pensée ne le croit a priori.

 

Pour aller plus loin :

 

Henri Bergson, La pensée et le Mouvant, Paris, PUF, 1938. 

 

Vincent Descombes, Le même et l’autre : Quarante-cinq ans de philosophie française (1933-1978), Paris, Les Editions de Minuit, 1979

 

Les Bons Profs

 

La tragédie naît d’un bouc qu’on égorgeait sauvagement

La tragédie naît d’un bouc qu’on égorgeait sauvagement

 

 

Les Grecs ont inventé la tragédie au VIe siècle avant J.-C.. À l’origine, on fêtait l’arrivée du printemps et de Dionysos – Bacchus pour les Romains –, dieu de l’ivresse et de la poésie, en écrivant une tragédie. Trágos, en grec, signifie « bouc » et ôidế « le chant ». Ainsi, si le bouc chantait en place publique, c’est parce qu’on l’égorgeait…

 

Durant cette fête du printemps, des moissons à venir, du vin et de la poésie, tout le village se réunissait pour chanter et danser. On tournait joyeusement en rond autour d’un homme, puis plusieurs, des saltimbanques (« ceux qui sautent sur le banc »), qui donnaient de la voix en l’honneur de Dionysos. The Voice existait déjà avant l’heure du prime time !

 

Finalement, le banc s’est déplacé pour former une scène sur laquelle les meilleurs chanteurs se produisaient. Progressivement, ils sont devenus acteurs de théâtre. Les villageois dansant tout autour ont peu à peu formé un hémicycle, bien organisé, celui qui a donné naissance à l’architecture fabuleuse des théâtres grecs. On doit donc ces merveilles d’architecture et d’acoustique au chant du bouc saigné en l’honneur du Dieu printemps sur fond de fêtes orgiaques initiatiques qu’on nommait bacchanales. Merci le cultes grecs. Merci Dionysos.

Et si on ouvrait une bouteille de rouge en l’honneur du retour des beaux jours ?

 

Pour aller plus loin :

Nous sommes tous les esclaves de la matrice

Nous sommes tous les esclaves de la matrice

 

 

Il était une fois un esclave qui décide de s’enfuir de la caverne dans laquelle il est enfermé, enchaîné avec quelques hommes de mauvaise fortune. Derrière eux, un feu brûle et, entre ce feu et la paroi qu’ils observent chaque jour, des hommes passent avec des formes sur des bâtons. En bougeant, celles-ci forment des ombres projetées sur la paroi que les esclaves prennent pour la réalité, n’ayant aucun autre repère que leur petit monde caverneux et sombre. Mais lorsque l’esclave sort enfin, il met les pieds sur l’herbe verte et découvre le soleil qui lui brûle les yeux. Après quelques minutes, il découvre le « vrai » monde, un monde de couleurs et d’odeurs formidables. La réalité. Toute nue et sublime.

 

Saisi de stupeur, il redescend prévenir ses compagnons d’infortune. La caverne était une matrice! Mais ceux-ci ne le croient pas. C’est un menteur. Alors ils le tuent.

 

Platon raconte cette allégorie au livre VII de La République, une image parlante, pour évoquer sa philosophie. Nous vivons tous dans nos cavernes. Et nous devons en sortir pour découvrir le soleil, la vérité, la réalité, le monde des idées. Mais le soleil brûle parfois. Il est le beau, le bon, le bien.

 

Le philosophe est celui qui ose se déchaîner et arpenter le monde tel qu’il est. Tel un idéaliste. Il faut tenter de sortir de la matrice chaque jour un peu plus. Comme Neo dans Matrix par Les Wachowski. Neo est nouveau. Neo est philosophe. Neo est platonicien. Mettez vos lunettes pour regarder le soleil, comme lui…

  

Pour aller plus loin :

Allons voir chez les Grecs

Allons voir chez les Grecs

Ils étaient polythéistes. Nous sommes, Occidentaux, majoritairement judéo-chrétiens monothéistes. Même les non-croyants, athées ou agnostiques, ne peuvent ignorer leur terreau culturel, cette église au milieu du village, et ces Droits de l’Homme, de l’humain, de l’homme et de la femme, cet héritage du christianisme comme philosophie de l’amour de l’autre.

Les Grecs ont inventé le théâtre, la tragédie et la comédie, et une certaine idée de la démocratie, le pouvoir au peuple, même si les femmes, les esclaves et les métèques, ressortissants grecs d’autres cités, ne pouvaient pas voter. On leur doit beaucoup. Même les latins leur ont emprunté leurs dieux. On leur doit la science et la mythologie, les dieus, Poséidon, les déesses Athéna, Artémis et Aphrodite, cette Vénus sortie des eaux.

Ils ont inventé la philosophie, ou plutôt lui ont donné un cadre scientifique, car les hommes n’ont pas attendu les Grecs pour transmettre leur sagesse autour d’eux.

Nous ne sommes plus grecs, mais ils nous inspirent encore aujourd’hui.

Pour aller plus loin :