L’acte sexuel est une mise à mort. Le coït une petit mort. L’acte d’amour charnel, de reproduction, nous vient d’instincts primaux ancestraux. Cela s’apparente à quelque chose de bestial, de violent parfois. Les mantes religieuses femelles mangent le mâle après l’acte sexuel. Pas de happy end… Seule la descendance survit, dans un acte d’amour sacrificiel. 

Pour le dire autrement, il n’y a pas de création sans destruction. Comment sortir de cela ? Il faut peut-être accepter que nous soyons des êtres de vie et de mort. Se sublimer revient à pouvoir transcender la réalité. Le véritable amour n’est-il pas de voir le monde tel qu’il est et nous regarder dans un miroir non déformant ? Sans morale. Amoraux. 

Si certains se tatouent des arcs-en-ciel, d’autres se marquent de têtes de mort. Car il y a quelque chose de fascinant dans la mort, dans la destruction, dans le vice. Un interdit que l’on peut transgresser. La mort peut être belle aussi, comme dans « Une Charogne », le sublime poème de Baudelaire dans lequel il rend belle, avec toute la force poétique de sa plume, la décomposition putride de la chair au soleil. 

Si la mise à mort d’un taureau provoque chez tout un chacun la révolte, le dégoût et la compassion intense devant un tel acte de barbarie, d’aucuns sont  par la superbe qu’il voient chez le toréador qui combat une bête qu’il s’apprête à anéantir du fil de son épée. Tue-t-on des taureaux par amour ? Nous ne pouvons que regretter que la barbarie soit de tout temps et qu’elle ne cesse pas. La culture, c’est l’arrachement à la barbarie, paraît-il. 

Finalement, quand on mange en amoureux un steak au restaurant, une bougie sur la nappe dressée, la question n’est peut-être pas ce que l’on mange, mais qui l’on mange. Vous l’aimez saignant, votre filet de bœuf ?

Pour aller plus loin :

André Compte Sponville, Le Sexe ni la Mort : trois essais sur l’amour et la sexualité, Lgf, 2014.

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1857.

Chronique de Michel Onfray

Le Sexe ni la mort, André Comte-Sponville